Sales mioches. Non contents de crier, courir partout et empêcher les grands de dormir, avec leurs figures innocentes, ils nous mettent en face de nos contradictions et de notre bêtise, avec l'air de ne pas y toucher... Moralité de Mon Ami Machuca, évoqué il y a peu ici : les enfants trinquent toujours à cause de la bêtise crasse des adultes. Soit. On peut aussi le formuler comme ça. C'est même l'argument de la séquence pré-générique des Révoltés de l'an 2000 - traduction-trahison de Quién puede matar a un niño?, presque aussi ahurissante que celle trouvée par ces grands enfants facétieux de Nord-Américains, Island of the Damned. Pendant de longues minutes, Narciso Ibáñez Serrador, matador uruguayen de l'horreur labellisée sixties-seventies, égrène les photos noir et blanc des souvenirs honteux d'une humanité qui, en dépit de ses différences, tend vers une certaine unité quand il s'agit d'affamer, déporter, massacrer tout enfant se trouvant sur le chemin de son désir rarement démenti d'auto-destruction.
Mais peut-on reprocher à Tom et Evelyn, touristes anglais s'offrant un peu de bon temps et de soleil méditerranéen en attendant la naissance de leur deuxième enfant, de ne pas avoir en tête les centaines de milliers d'enfants victimes de la guerre au Vietnam ou au Biafra lorsqu'ils accostent sur la petite île espagnole d'Almanzora, où ils ont la ferme intention de faire bronzette loin de l'agitation du continent ? Ils ne s'inquiètent d'ailleurs pas outre mesure en constatant que tous les adultes de l'île ont disparu et qu'ils ne croisent que quelques petites têtes d'anges refusant malicieusement de leur adresser la parole (dont un qui caresse avec un air pas très catholique le ventre d'Evelyn : spectatrices enceintes s'abstenir, plutôt).
Mais peut-on reprocher à Tom et Evelyn, touristes anglais s'offrant un peu de bon temps et de soleil méditerranéen en attendant la naissance de leur deuxième enfant, de ne pas avoir en tête les centaines de milliers d'enfants victimes de la guerre au Vietnam ou au Biafra lorsqu'ils accostent sur la petite île espagnole d'Almanzora, où ils ont la ferme intention de faire bronzette loin de l'agitation du continent ? Ils ne s'inquiètent d'ailleurs pas outre mesure en constatant que tous les adultes de l'île ont disparu et qu'ils ne croisent que quelques petites têtes d'anges refusant malicieusement de leur adresser la parole (dont un qui caresse avec un air pas très catholique le ventre d'Evelyn : spectatrices enceintes s'abstenir, plutôt).
Le spectateur perspicace, lui, auquel la litanie de méchantes photos d'enfants morts a mis la puce à l'oreille, sent poindre le malaise et devine que se trame quelque chose de pas net : dans un élan de communautarisme inédit, les mioches auraient-ils décidé qu'ils en avaient assez d'être les dindons de la farce ? C'est ce qu'on va découvrir, jusqu'à une scène finale dont l'optimisme n'est pas la plus évidente caractéristique : pas de pitié pour le spectateur ramolli et les jeunes parents extatiques.
Serrador - dont La Résidence (1969), série B horrifique à tendance coquino-freudienne, a largement influencé le cinéma d'horreur de la décennie suivante (Argento...) et, soit dit en passant, contient la scène, toute en suggestion, la plus érotique de l'histoire du cinéma, oui parfaitement : rien à voir avec le bisou esthético-racolo-lynchien de Mulholland Drive... Bref, Serrador, disais-je, fait preuve d'un talent fascinant, assez polanskien, pour faire émerger une inquiétude sourde qui se change progressivement en méchant malaise, dans un cadre dont la normalité, renforcée par la surdose de soleil qui se déverse sur presque toutes les scènes du film, se trouve petit à petit contaminée, corrompue par le surnaturel.
Reste que le film a aujourd'hui quelques cheveux blancs mais continue de valoir le détour pour tous ceux qui pensent qu'horreur peut rimer avec inventivité et veulent découvrir ce qui se faisait de mieux dans le domaine il y a quarante ans... et pour ceux qui hésitent à faire des enfants.
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