Urbain de jouvence dans la Mersey ("Of Time and the City", Terence Davies)

Radadam, radadam... Roulement de tambour... En plein revival du long-métrage documentaire, le film scientifique s'apprête à muer, à prendre de la hauteur... bref, à renaître, ni plus ni moins. Le 7 décembre, à l'ENS-Lyon, dans l'attente fébrile d'une sortie mondiale dont l'impact devrait faire blêmir de jalousie et susciter la rancœur éternelle de Peter Jackson et son gnome pourfendeur de dragon, le 7 décembre, donc, notez cette date historique si vous voulez pouvoir dire à vos arrières-petits-enfants : "j'étais là, nous étions là", sera projeté en avant-première Urbanité/s, premier film de Jacques Lévy (les infos ici). Si, pauvre lecteur égaré cherchant la lumière avec force tâtonnements en t'offrant des perfusions quotidiennes de France Culture entre deux ingurgitations de hors-séries de Sciences Humaines, tu ne sais pas qui est Jacques Lévy, tu le découvriras avec joie ici si tu es plutôt cheveux courts et si tu préfères les cheveux longs. Aux non lyonnais, en attendant d'être touchés par la grâce du DVD sortant début 2013, il reste la possibilité de patienter en découvrant, par exemple, un autre film - magnifique, trêve de plaisanteries - sur la ville : Of Time and the City, de Terence Davies.

Parmi les événements ayant célébré Liverpool, capitale européenne de la culture en 2008, plusieurs films ont été produits à l'initiative de la Liverpool Culture Company, dont ce très beau documentaire par un enfant de la ville, parti découvrir l'art dramatique sous d'autres cieux après vingt-huit ans passés dans le Merseyside. Cinéaste du souvenir, Davies se garde bien de livrer un documentaire didactique sur sa ville natale : il profite de l'occasion pour se remémorer son Liverpool, celui des destructions laissant place aux grands ensembles de l'après-guerre, des cinémas disparus depuis où, à sept ans, il s'est réfugié pour tomber en pâmoison devant Gene Kelly, des docks, des usines fumantes ou désaffectées des rives de l'estuaire, des Beatles que le jeune Terence trouvait bien fades à côté de Mahler et Sibelius qu'il venait de découvrir - on comprend - ou encore le Liverpool catholique gravitant autour de la stupéfiante Cathedral of Christ the King inaugurée en 1967 - qui vaut le détour autrement que les docks mis en vitrines où affluent des millions de touristes enragés -, lieu du déchirement pour le très pieu Davies, abandonné par la foi à vingt-deux ans.


Le texte, écrit par le réalisateur, nous dit avec une belle sincérité les souffrances et les joies d'un enfant puis adolescent de la working class et, comme par magie, un dialogue poétique aux sonorités proustiennes s'installe avec les images - d'archives pour plus des trois quarts - celles-ci s'éloignant parfois du texte et revendiquant leur autonomie, comme si la mémoire de l'auteur échappait au verbe, avant de s'en rapprocher à nouveau, pour une plongée à la fois très personnelle et aux accents universels dans l'inconscient de Liverpool. Les Four Quartets de T.S. Eliot, des citations de Dickens, Jung, Tchekhov, des poèmes de Davies lui-même viennent se mêler à cette danse, terriblement nostalgique sans sombrer dans un passéisme caricatural, comme un adieu à ce que fut Liverpool et dont quelques traces subsistent ici et là dans la pierre et dans les esprits.

Heart breaking.

--> Le site internet du film ici.

--> La bande-annonce sous-titrée en français sur Dailymotion.

Commentaires

  1. Bon faut se tenir au courant pour la sortie DVD de début 2013 si je comprends bien... :-)

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    1. Ici même on sera tenu au courant heure par heure. Et d'avoir (un peu) attendu, ce n'en sera que meilleur.

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